Who is Dtone


PARIS, MERCREDI 11 JANVIER 2023
“ LA VIE, ELLE EST PLUTÔT GRISE, JE NE SUIS PAS DANS LE FATALISME
DU NOIR ET DU BLANC ”

INTERVIEW DTONE/ LESALOPARD
photography by Rancoeur
Who is Dtone

WIDT

LESALOPARD : Abandonner, reprendre confiance… C’est ça la vie ?

DTONE : La vie c’est à mon sens une ligne droite. Maintenant on peut zigzaguer, ça c’est plus de la réflexion, car la vie on la vit dans l’instant et on ne prend pas conscience de son parcours sur le moment. C’est après coup, quand on y réfléchit, quand on se retourne, qu’on a une idée de ce qu’on a fait, mais dans l’action on est affairé à s’effectuer en fin de compte, plutôt que d’avoir un regard sur ce que l’on fait. Le regard lui vient après.

LS : Et cela te correspond ?

DT : Hmm … Non, parce qu’en fin de compte, je pense qu’on a tous une identité propre à soi-même. C’est-à-dire que ma particularité sera d’essayer de prévenir beaucoup de choses, de me projeter énormément et de réfléchir sur toutes choses. Donc, ça c’est Jean-Marie Compper, DTONE …
J’ai ce côté un peu metteur en scène, c’est-à-dire que je vais mettre en scène ma journée, et durant la journée, je fais ce que j’ai à faire. Au petit matin, j’ai tendance à me projeter et à imaginer ma journée, alors que je pense que la plupart des gens juste vivent leurs vies.
Moi j’ai toujours tendance à imaginer ma vie avant de la vivre. C’est peut-être un de mes traits de caractère…

LS : À quel moment es-tu devenu artiste ?

DT : Je pense qu’on est tous artistes à l’origine. Je me suis intéressé au dessin assez tôt, on m’a renvoyé de bons retours par rapport à cet intérêt que j’avais avec le dessin. Ça m’a motivé et donc je suis parti dans cette voie artistique.
Je me suis rendu compte de ce que j’étais devenu après coup. J’ai d’abord couru après une image, parce qu’il y avait un univers qui m’intéressait, et c’est quand je le suis devenu, que je me suis rendu compte de mes faits et gestes. C’était assez tard en fin de compte.
Le fait de vouloir être quelque chose, de vouloir participer à quelque chose et d’arriver à être cette chose, sont des moments vraiment différents dans ma vie. C’est en faisant un bilan de mon parcours que je me suis rendu compte que j’étais arrivé à atteindre le but auquel je m’étais « destiné ».

LS : Artiste ou Artisan ?

DT : Entre artiste ou artisan ? Artiste tout simplement, parce que je n’ai pas appris à être artisan en fin de compte, je n’ai pas cette démarche d’artisan et donc ma démarche est depuis assez longtemps artistique. La recherche, la sensibilité que je mets dans ce que je fais et dans le créneau que j’ai pris est vraiment un créneau artistique.

LS : Le passé, c’est une nostalgie que l’on a du mal à oublier ?

DT : Non, le passé fait partie de ma vie. Le passé me construit.

LS : Respecter les codes de l’art, pour mieux comprendre l’œuvre ?

DT : Moi j’estime qu’il n’y a pas de règles, parce que la personne qui voit une de mes œuvres d’art, l’abordera avec ses moyens, en fin de compte, et donc il n’y a pas de règles à mon sens. Je propose et le public dispose.
L’art se ressent avant tout, donc la compréhension est accessoire. Comme j’ai dit chacun voit midi à sa porte, et donc certains vont voir de l’art, certains vont ressentir de l’art, certains vont l’entendre… C’est multifacette, une simple interprétation en fin de compte. Donc après il y a effectivement moi, ce que je ressens, et ce que j’ai voulu apporter, mais maintenant encore une fois, je propose et il dispose, donc, chacun vient et en retirera ce qu’il veut par rapport à sa sensibilité, et sa vision des choses.

LS : Entre Paris et la Guadeloupe, as-tu trouvé ton équilibre ?

DT : Non, parce que je ne compare pas. Ce n’est pas non plus un choix, parce qu’avant que je choisisse d’aller à tel endroit, on m’y a d’abord amené, et la Guadeloupe et Paris s’inscrivent dans une histoire, qui concerne ma vie, et donc avant même de choisir, j’y suis lié de toute façon. Donc ce n’est pas vraiment un choix ou un équilibre, c’est un tout.

LS : Qu’est ce qui te manque à Paris ?

DT : Rien du tout … Comme je disais, je ne compare pas. Je me satisfais de ce que j’ai.

LS : L’illusion d’un lendemain meilleur, c’était une réflexion d’avant ?

DT : En tout cas, ce n'était pas la mienne… Un aujourd’hui, bon et intéressant et comme il faut. En fin de compte je suis plus sur un aujourd’hui comme il faut, qu’un demain ou qu’un hier… Je sais que le passé appartient au passé et que le futur n’existe pas encore, seul le présent “est”.
Le souvenir ou l'espérance sont deux choses qui n’existent pas réellement. Ce qui existe réellement, c’est ce qu’on fait. Donc, la nostalgie et l’espérance sont des choses qui pour ma part ne prennent pas beaucoup d’importance. C’est un sentiment qui existe, je le comprends, mais me concentrer sur deux choses qui n’existent pas ça ne serait pas raisonnable. Je sais que ça peut réchauffer le cœur, rassurer, mais ce qui rassure n’est pas quelque chose de concret, ça peut aider je pense, mais pour moi ce n’est pas une chose qui est très importante.

LS : Peut-on éveiller l’opinion publique ?

DT : Le plus important ce n’est pas l’opinion, mais la compréhension. Et la compréhension fait qu’on peut avoir une opinion. Mais sans compréhension, je ne pense pas que grand-chose soit possible.

LS : La série Camouflage décalque ce rapport d’un ado des années 80 avec un père militaire ?

DT : Camouflage pour moi c’est très vaste en fin de compte. C’est plus une introspection et une étude sociologique. Ça va au-delà de qui je suis. Ça part de moi car le monde s’ouvre à mes yeux et par mes yeux, mais c’est plus une étude sociologique sur les uns et les autres, et sur ce qui m’entoure et donc je fais partie de ce qui m’entoure. Je suis acteur de cette société aussi et c’est plus une étude sociétale qu’un rapport direct avec le fils à son père. C’est vraiment le fait de l’approche que l’on a des choses, de ce que l’on méconnaît, de l’interprétation que l’on fait des choses et de la réalité des choses. Donc encore une fois je fais un parallèle avec la question précédente, c’est plus sur la compréhension. De prime abord on va avoir une impression, un préjugement sur les choses. Mais passé ce préjugement et cette impression, on va se diriger vers le concret, donc on va prendre du temps d’analyse et de ce qu’on voit derrière le camouflage, derrière ce qui est camouflé à nos yeux, et donc c’est plus basé là-dessus.

LS : Qu’est ce qui fascinait l’ado en toi ?

DT : Bah la même chose. En fin de compte c’est ce questionnement et la recherche des réponses. Je ne me base pas sur le questionnement je me base plus sur la réponse donc je suis en recherche de réponses. Et donc c'est cette soif de comprendre, de compréhension, qui ne m’a jamais lâché. C’est peut-être pour ça, que je n’ai peut-être pas grandi. (rires)

LS : Une jeunesse qui pointe à l’ANPE et un service militaire obligatoire, c’est un bref résumé d’une jeunesse d’avant ?

DT : Hmm… Non, je ne pense pas parce qu’il n’y a pas qu’une jeunesse. Pointer à l’ANPE ça veut dire que mine de rien on est dans une recherche de quelque chose donc on n’a pas abandonné, c’est pas un échec. Ça peut être un départ pour aller vers autre chose. On peut y voir ce qu’on veut d’ailleurs mais c’est vrai que de prime abord cette image là peut être plutôt vue comme étant négative. Pointer à l’ANPE ça veut dire qu’on est en marge, qu’on n’a pas de travail mais justement on a pas de travail pour le moment parce qu’on en cherche donc y’a ça. Et ensuite le service militaire obligatoire c’était aussi … Bah justement à l’heure actuelle certains veulent y revenir, pas exactement de la même façon mais après coup, maintenant que le service militaire n’est plus obligatoire avec ce recul on peut voir les bons côtés et les mauvais côtés et là en l’occurrence beaucoup veulent y voir les bons côtés donc rien n'est jamais tout blanc ou tout noir. Pour moi la vie est plutôt grise. Je ne suis pas dans le fatalisme du noir ou du blanc, il faut y voir de la nuance.

LS : Paris, une grande cour de récré ?

DT : Paris pour moi, c’était un peu salvateur, parce que c’était, et ça l’est toujours d’ailleurs, l’endroit de tous les possibles. J’habitais dans une petite ville de banlieue sud, et j’ai habité à différents endroits, notamment la Guadeloupe ou autres, mais le fait que Paris soit la ville lumière, celle-ci à assouvit une partie de ma curiosité justement. De chez moi je me posais des questions, et à Paris j’avais mes réponses, et ça a été le commencement d’une grande aventure, donc justement quand tu passes ta vie à te poser des questions, ça peut être frustrant si t’as pas ces réponses. Et moi très tôt j’ai eu des réponses, et donc j’ai été là où j’ai eu des réponses. Ça a été, et c’est encore un point de destination qui m’apaise en fin de compte, comme quoi, beaucoup de gens trouvent ça stressant, moi ça m’apaise d’être justement au milieu de ce brouhaha, de cette vie. D’ailleurs c’est un peu à l’instar des grandes villes, moi j’aime beaucoup les grandes villes. J’aime beaucoup ce côté urbain, ce côté justement où il y a ce foisonnement de gens qui se croisent. Pour moi ce sont des lieux de vie, en fin de compte … Et quand j’étais petit, c’était comme une fête foraine géante.

LS : La fin du monde, tu y pensais avant ?

DT : Pas plus maintenant qu’avant en fin de compte. On va dire que ce n’est pas un thème que j’ai élaboré moi-même. En regardant, en écoutant des films, des séries on me l’a plus ou moins suggéré, mais ce n’est pas une thématique qui m'effleure plus que ça. En plus quand on dit fin du monde, il faut voir, si on voit la fin de l’humanité, ou de notre planète? C’est deux choses différentes. La fin de l’humanité ça n’embête que l’humain. Donc non, c’est pas vraiment un sujet qui m’interpelle. La fin du monde m’interpellerait plus que la fin de l’humanité.

LS : Tu te questionnes souvent dans la vie? As-tu déjà observé le parcours de DTONE ?

DT : Oui et non, c’est pour ça que je fais une halte. Je n’ai pas l’intention de le terminer maintenant (rires). Je verrai dans l’avenir. C’est vrai que ça fait une trentaine d’années donc effectivement, je peux me retourner et voir que j’ai fait un petit parcours, mais je regarde plus devant moi, que derrière moi.

LS : Et quelle serait l’analyse de Jean Marie ?

DT : L’analyse se définirait en un seul mot : des choix. Mon parcours c’est des choix (silence).

LS : Et tu as su faire les bons choix ?

DT : Je ne pense pas qu’il y ait de bon choix justement, c’est pour ça que je parle de choix. Un parcours pour moi, c’est un parcours de vie, ce n’est pas un parcours artistique. Moi, tout tourne autour de ce que je fais, donc c’est ma vie. Les bons et les mauvais choix, on est à même de juger la chose à la fin, peut-être à son dernier souffle. On peut toujours faire différemment. Je pense que si j’avais le choix de refaire, souvent c’est la réflexion que j’ai (rires), est-ce que je ferai différemment ? Dans l’idée du moment je dirai oui, je ferai ça ou ça mais en l’occurrence je pense que je ferai exactement la même chose. Donc j’aurais peut-être les bonnes solutions et les mauvaises idées, mais ce sont des choix personnels, et on ne m’a jamais obligé à quoi que ce soit, donc je peux en vouloir à personne, si je suis mécontent de ceci ou content de cela. C’est un parcours, des rencontres bien sûres, mais le seul patron dans tout ça c’est toujours moi, donc c’est moi qui décide. En mon sens, ce n’est pas une question de mieux faire ou moins bien faire, c’est simplement des choix différents et des directions différentes que j’aurais prises, mais je ne serai pas à même de dire, si c’est mieux ou pas, c’est simplement différent. Donc le fait est que je préfère synthétiser tout ça et dire tout simplement, que c’est qu’une question de choix.

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